
Autant qu’elle s’en souvienne, elle avait grandi dans un monde et une société où, dès son plus jeune âge, elle n’avait eu de cesse d’entendre « Il faut réussir dans la vie ».
Cette injonction était devenue une norme et même un devoir. « Il faut réussir sa vie ».
Cela était un but qui invitait à devoir bien travailler à l’école pour avoir de belles images et ensuite de bonnes notes.Non pas tant pour apprendre mais pour obtenir un résultat. Un résultat quantifiable et reconnu aux yeux de la majorité des gens. Un résultat louable et sociétal, attendu même.
Plus tard, le « Il faut réussir ta vie », conduisait à choisir des études supérieures qui sanctionneraient un parcours par la délivrance d’un diplôme. Diplôme à haute valeur au regard de notre société.
Les études terminées, il convenait de trouver un travail, le Graal de la réussite. L’on devenait quelqu’un et obtenait un statut à travers son métier. Cela rendait légitime. Cela donnait de l’importance. De plus, si le métier était bien rétribué, c’était encore mieux ! On gagnait des échelons !
A côté de la valeur travail, d’autres éléments étaient pris en compte pour qualifier ou non une vie de réussie : l’achat d’un bien immobilier, le mariage, avoir des enfants (qui réussissent bien à l’école, évidemment), avoir une voiture, voyager partout dans le monde et publier des photos sur les réseaux sociaux, avoir des like sur ses profils, être populaire, apprécié(e), être « bien comme il faut », se fondre dans la masse…
« C’est cela, réussir sa vie ?… », ne cessait-elle de s’interroger…
« C’est être stressé(e) d’avoir des bonnes notes, être dans l’embarras quand on me demande ce que je veux faire plus tard alors que je n’ai que 8 ans, c’est être sûr(e) d’avoir choisi les bonnes études, courir pour trouver un travail et faire nombre de compromis pour le garder dans certains cas ? Partir tôt le matin et rentrer tard le soir, épuisé (e) , courir après le temps sans cesse. Jongler entre les obligations de toutes sortes et les devoirs ? ».
Notre société sanctionne à tout va à travers des normes instaurées et même institutionnalisées. Peu de place est laissée à l’imaginaire et à l’originalité. Où l’on peut très vite être qualifié(e) de « hors norme », « hors des clous », « faignant », « marginal ».
Comment laisser libre cours à qui l’on est réellement quand on baigne dans un conformisme étouffant ? Comment réussir sa vie, si ce n’est en copiant sur les autres et en reproduisant inlassablement les mêmes schémas, les mêmes étapes ?
Évidemment qu’elle avait bien travaillé à l’école, avait entrepris des études supérieures. D’autant plus que ce parcours s’inscrivait dans une continuité familiale. Il ne pouvait en être autrement.
Mais, alors qu’elle était aujourd’hui adulte, elle se souvenait qu’une journée réussie était une journée passée avec ses amis à jouer, à rire et à partager, lorsqu’elle était petite. Et ses souvenirs d’enfance n’étaient pas les belles images collectées mais les moments d’aventure, les sorties à vélo avec ses copines, les parties de foot ou de basket avec ses frères.
C’est à partir de ses souvenirs heureux qu’elle prenait conscience qu’une vie réussie comme l’entendait la société n’était pas le reflet d’une belle vie ou d’une vie épanouie.
Peu à peu, elle souhaitait s’émanciper et sortir des sentiers battus. Elle restait néanmoins empreinte des conditionnements familiaux et sociétaux. Mais elle opérait des choix qui s’en éloignaient, de temps à autre.
Aussi, chaque jour, elle veillait à profiter des petits bonheurs et à leur accorder toute l’attention qu’ils méritaient : écouter et regarder son chien respirer pendant qu’il dormait, sentir la chaleur de son chat lové sur ses genoux, entendre les pas de son conjoint dans l’escalier de leur maison, s’imprégner au maximum de la présence de ses proches. Profiter pleinement d’une vie simple et confortable. Ne pas courir après du « encore plus » ou « encore mieux ».
Apprécier d’avoir une jolie petite maison en location, jouir du temps dont elle disposait pour faire du sport ou jouer, se lever tard le matin car pas d’enfants, prendre le temps de boire son café du matin, être reconnaissante d’être en bonne santé et de ne manquer de rien, attendre avec impatience de partager un bon repas avec des amis. Là se construisait la réussite de sa vie : à travers des joies simples et des moments de partages.
Alors, c’est quoi, une vie réussie ? Je crois que c’est d’opérer des choix de vie en fonction de soi et de ce qui nous correspond. Et c’est aussi s’offrir la liberté d’être soi, peu importe les jugements et attentes extérieurs. C’est s’accomplir et s’écouter pleinement.
Et surtout, une vie réussie, c’est aimer sa vie.

Encore un joli post bien écrit dont je partage pleinement la réflexion (la reconnaissance sociale par ses « pairs » est un moule qui uniformise et une énième « prison mentale » que l’on se crée) et la conclusion.