Mon histoire (Chapitre 1).

La vie, l’histoire de chacune, chacun, s’écoule à l’image de l’eau d’une cascade…La vie peut être mouvements, intense, chaotique, comme l’eau qui se déverse de la cascade après un orage ou de grosses pluies. La vie peut être plus calme, apaisée,comme l’eau de la cascade lorsque la pluie et le cours de la nature connaissent un cycle et un rythme équilibrés. La vie peut aussi être en suspens, en dormance, à l’image de la cascade qui est tarie en l’absence de pluie.

Mon histoire, comme celle de tout un chacun peut être comparée à l’eau d’une cascade.

Mon histoire débute avant ma venue au monde. Mon histoire de vie a commencé un jour de Novembre 1983.

J’avais alors trois frères et une sœur aînés qui attendaient ma venue, ainsi que mes parents.

Je n’étais pas prévue au programme ! Ma maman a découvert assez tardivement qu’elle m’attendait et le médecin lui avait alors dit que je ne survivrai pas…ce fût donc une surprise de découvrir que je m’étais accrochée à la vie !…mais cela devait être ainsi. Je devais vivre. Vivre pour équilibrer la mort. Respirer pour compenser le départ. Sourire pour apporter un peu de lumière à cette famille endeuillée. Rire pour que la vie reprenne.

Ce jour de Novembre, mes parents avaient confié la garde de ma sœur et de l’un de mes frères à une amie de la famille pour les emmener à l’école. C’était un jour comme un autre, avec son lots de contrariétés et de petits bonheurs. Une journée normale.

Jusqu’à ce que l’accident survienne au niveau de la route nationale de notre village.

Une petite fille âgée de 6 ans et demi qui traverse la route alors que le piéton est au vert. Un camion de pompier qui grille le feu rouge. Le choc. La collision. Mon frère et l’amie de la famille qui assistent à la scène.

Sandrine s’en est allée en ce jour de Novembre 1983. Et une partie de mes parents s’en est allée avec elle. Tout comme une partie de mes frères et de moi. Une journée normale qui est devenue une triste journée.

Ma venue est prévue pour dans trois mois. Ma sœur se réjouissait d’avoir une petite sœur, elle ne serait plus la seule fille. Nous ne nous sommes jamais rencontrées. Nous savons simplement que l’une a vécu avant et l’autre après l’accident. Un évènement nous a séparées à jamais. Quelques secondes. Quelques secondes qui ont tout changé. Et qui ont défini sa vie, celles de mes parents et frères ainsi que la mienne.

Sous le choc de ma maman, j’ai cessé de bouger. Je me suis mise en retrait. J’ai ressenti sa peine, sa douleur, son désarroi de plein fouet. J’ai connu la perte, le chagrin, le deuil, et la mort avant de connaître la vie.

Ce n’est que quelques jours après l’accident que ma maman s’est rendue compte que je ne bougeais plus et qu’elle est allée consulter. Après l’enterrement de sa petite fille. Durant ce laps de temps qui lui appartenait, elle était une maman qui venait de perdre un enfant et non plus une maman qui portait la vie en elle.

J’ai donc débarqué dans une maison endeuillée, et néanmoins animée par trois garçons, un 13 Février 1984.

Ce 13 Février, une petite fille est venue remettre de la vie dans une famille durement touchée par la vie et ses incertitudes.

Je n’ai évidemment pas de souvenirs de mon arrivée dans ce monde. Je ne peux qu’imaginer le contexte dans lequel j’ai fait mes débuts. Une maison, une famille tiraillées entre la joie d’accueillir en son sein à nouveau une petite fille, cette même petite fille qui rappelle qu’une autre manquera pour toujours à l’appel, et la perte.

La vie versus le vide et l’absence.

Les pleurs d’un bébé versus les larmes de chagrin de mes parents.

Une future compagne de jeux pour mes frères versus la compagne de jeux qui est partie.

Le tout et le rien. Et surtout, la frustration et le regret éternels que jamais notre famille n’aura été au complet.

Un peu comme moi. Le sentiment de ne jamais être tout à fait complète. Ni entière.

Sandrine s’en est allée, emportant avec elle un enfant et une sœur. Emportant avec elle une partie de notre vie à tous. Emportant avec elle son sourire, ses rires, ses projets, son avenir, ses possibles. A ce jour, les photos et souvenirs sont témoins de son passage sur terre. Pour moi, seules les photos. Rencontrer sa sœur à travers des photos, c’est quelque chose qui vous marque et vous manque pour toute une vie.


Agnès Écrit par :

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *