Respirer, à nouveau.

Elle avait le sentiment de renouer avec la vie depuis trois mois. Respirer, à nouveau.

Elle avait été en apnée pendant une longue période, où tout lui semblait noir, effrayant et incertain. La boule au ventre, elle vivait chaque journée comme un jour sans fin. La nuit s’annonçant, elle la redoutait. Redoutait de se retrouver seule avec elle-même et ses pensées noires, confrontée à ce sentiment d’insécurité et d’impuissance permanent. Elle était allée visiter la profondeur et les reliefs de ses peurs. Elle s’y était perdue même, guettant et espérant ce qui pourrait la sortir de ce tunnel sombre et étouffant.

Elle était démunie face à elle-même.

Résignée et en même temps avec l’envie de s’en sortir. Mais comment faire quand tout semble sans espoir ? Comment faire lorsque l’on doute de soi ? Par où commencer, lorsque l’on n’arrive plus à compter sur soi-même ?

Se retrouver perdue en soi laisse un profond sentiment de solitude et de vulnérabilité.

Et un jour arrive, où une personne pose un diagnostic que l’on ne voulait pas entendre. Un diagnostic que l’on nie  « Non, je ne suis pas dépressive. C’est juste une mauvaise passe. Je vais m’en sortir ». Les jours passent, on se fait chaque matin la promesse que ce sera le dernier jour où les larmes et le mal-être marqueront notre journée. On se récite des mantras, on se met à la course à pied, tentant de semer en cours de route ce poids en nous. Ce poids qui nous alourdit et prend de plus en plus de place, au détriment des belles choses. Ce poids qui nous éloigne des autres, de nous-même, et de notre vie.

Cette boule grandissante qui fait qu’en se regardant dans le miroir on ne reconnaît pas la personne que l’on voit.

C’est ce qu’elle ressentait : être devenue une étrangère pour elle-même. Ne plus se reconnaître ni dans ses ressentis, ni dans ses réactions. Comme vivre à côté de son corps, à côté de soi. Un voile recouvre et vient teinter nos journées et nos nuits. On espère l’oubli ou la libération.

Et un autre jour arrive, où l’on est prêt( e ) à entendre le diagnostic et qu’une aide médicamenteuse pourrait être une béquille. Une aide à ne pas sombrer plus. Une bouée à laquelle s’accrocher pour faire une pause au cœur de la tempête. Pour soulager notre tumulte intérieur, qui, au fur et à mesure des mois nous épuise.

Elle décidait ce jour là de franchir le cap. Elle décidait, malgré tous les a priori et le sentiment d’échec,  de débuter un traitement anti-dépresseur. Le sentiment d’échec, oui. De ne pas être assez forte pour s’en sortir seule. De reconnaître être faillible. Et s’affranchir du regard porté sur elle-même, avant toute chose. Le plus difficile lorsqu’on est dans une phase de dépression. Ne pas se juger d’avoir besoin d’une aide.

Au fur et à mesure des jours, elle sentait cette boule s’amoindrir, pour renouer petit à petit avec elle-même. Avoir à nouveau du plaisir et des sourires dans ses journées, à la place des larmes et du noir. Redécouvrir toutes les couleurs de la vie. Ré habiter son corps et prendre de nouveaux repères, qui ne sont plus inquiétudes et angoisses.

Respirer, à nouveau.

La dépression et les maladies mentales sont trop souvent tues. On les cache, on les nie. On en a honte aussi parfois. Elles sont un tabou encore de nos jours, dans une société où l’on doit assurer en permanence sur tous les plans.

On trouve plus « légitime » un arrêt maladie pour cause de cancer qu’un arrêt maladie pour cause de dépression.

Et pourtant, l’être humain est faillible et fragile, peu importe le plan où la maladie vient s’exprimer. Peu importe le symptôme, l’esprit vient par le biais de la maladie révéler un mal-être, une blessure, qui ont besoin d’être mis en lumière pour qu’on vienne leur apporter attention, amour et bienveillance. Pour débuter le chemin de la guérison.

Depuis trois mois, elle avait de nouveau des projets et des envies. Elle n’avait plus peur de la vie. Elle pouvait s’en remettre à elle avec sécurité, confiance et foi. Elle se redécouvrait et se faisait confiance. Elle ne livrait plus bataille à elle-même, ne se débattait plus avec ses peurs et ses insécurités. Elle respirait à nouveau à pleins poumons, sereine et apaisée.

Demain n’était plus une menace mais une promesse.

Agnès Écrit par :

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