La petite fille qui avait peur du noir.

La nuit s’annonçant, la petite fille aimait aider ses parents à fermer les volets en bois de la maison.
Cela la rassurait : elle mettait une barrière entre elle et l’obscurité.
Le crépuscule, ce passage entre la journée et la nuit, amenait angoisses, peurs et insécurité avec lui.
La petite fille tentait de s’en protéger en fermant les volets, comme pour les garder à distance.
La fin de la journée sonnait chaque jour pour elle la fin de quelque chose qui ne reviendrait pas, qui
serait révolu à jamais.

La nuit était synonyme de fin. De mort. Le noir, associé à la nuit, elle voulait le repousser au maximum. Ne pas le voir tout d’abord. Puis, essayer de le combattre à coups de lumière. Le noir était aussi synonyme d’immobilisme pour cette petite fille. La nuit lui rappelait- elle le silence, le rien, le vide, dans lesquels elle s’était sentie emprisonnée au sein de sa mère ?
La nuit, le noir, le silence, l’immobilisme faisaient naître en elle un profond sentiment d’abandon, un
sentiment qui venait l’absorber, la posséder toute entière. Une émotion si forte, si primaire, que la
petite fille ne pouvait que vouloir s’en protéger. A coups de volets fermés, de lumière, de couchers
tardifs, ne voulant pas s’abandonner à la solitude, fidèle compagne de la nuit. Avec ce sentiment incontrôlé d’être seule. Seule au monde. Seule au milieu du noir. Seule et oubliée. Seule et invisible. Sans aucun moyen rationnel de le combattre. Impossible de mettre des mots. Le ressenti primait.
Des moments sans fin, des moments sans contours, des moments sans vie, sans lumière, seulement ponctués par ces va et vient au creux de son ventre et le pouls accéléré de son cœur.
Les volets comme rempart. Le souhait de s’endormir chaque soir rapidement pour ne pas se retrouver avec tout ça. Avec ce trop de tout et de rien, en même temps.

Devenue plus grande, la petit fille est toujours présente à la tombée de la nuit, l’anticipant même. Elle ferme  toujours les volets avant que le soleil ne décline totalement, pour les ouvrir dès son réveil et faire revenir la lumière, synonyme d’actions et de vie pour elle.
Regarder décroître l’astre masculin est encore aujourd’hui synonyme de fin. De mort. De solitude.
D’abandon.

L’obscurité cache ; l’obscurité vient masquer, effacer…Elle vient recouvrir la vie d’un épais voile pour la rendre invisible, impalpable. Le noir vient dissimuler, enterrer, enfouir…

Avec le temps toutefois, la petite fille devenue adulte a appris à aller à la rencontre de la noirceur, du noir qui se trouvaient à l’intérieur d’elle. Elle a appris à découvrir ce qui s’y dissimulait. Elle a appris à avoir moins peur d’aller regarder ce qui est enfoui, ce qui est caché. Car ce qui est caché a vocation à être révélé. Elle a compris que la nuit avait son rôle. Elle permettait au jour de briller. Le noir amenait la lumière. L’un ne peut ne exister sans l’autre. Ils sont complémentaires. Tout comme elle, qui était composée de noir et de lumière.

Aller à la rencontre de la nuit c’est peut-être finalement aller à la rencontre de la vie. Accepter l’entièreté de celle-ci pour accepter son entièreté.

 

Agnès Écrit par :

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