Mon histoire (Chapitre 3).’

 La cellule familiale est notre premier lieu d’apprentissage(s), de développement et de construction.

Avec les années, j’ai pris conscience que nous rejouons sans cesse, étant adultes, les blessures que nous avons connues durant le temps de notre enfance et de notre adolescence. Beaucoup de choses se mettent en place au cours de ces deux périodes. Adultes, et confrontés à nouveau aux évènements et blessures qui sont venus nous façonnés, notre mission est de venir guérir et de rassurer l’enfant ou l’adolescent qui a été éprouvé. Cela constitue à mes yeux la trame principale de notre existence.

Identifier, accueillir, comprendre et guérir ce qui nous fragilise, nous fait douter de nous et nous empêche d’être et de vivre.

Aujourd’hui, j’ai envie d’écrire et de cheminer sur ma relation avec mes frères.

Vouloir être acceptée à tout prix pourrait résumer le fondement de ma relation avec mes frères.

L’aîné a 10 ans de plus que moi, autant dire une éternité lorsque j’avais 5 ans et lui 15 ! Il ne s’intéressait pas à moi, ai-je le souvenir. Sa chambre était en face de la mienne, et bien plus qu’un couloir nous séparait. C’était un étranger pour moi, comme je devais être une étrangère pour lui. Il jouait parfois avec nous tous mais en tant que leader : il décidait, nous suivions mes deux frères et moi.

Mon autre frère a 5 ans de plus que moi, toujours fourré avec celui qui a 2 ans et demi de plus que moi. Inséparables, j’essayais tant que bien mal d’attirer leur attention et qu’ils veuillent bien jouer avec moi.

Petite fille, je jouais autant aux Barbies qu’aux Gi Joe. J’avais des copines filles mais privilégiais les jeux avec mes copains garçons. A la récré, je jouais au foot ou aux billes avec les garçons. Jusqu’à un certain âge j’aimais porter les habits de mes frères.

A la maison, je me souviens m’entraîner à monter dans les Sumacs sans les mains, comme faisaient mes frères. Et quand j’y arrivais, je regrettais que mes frères ne soient pas présents pour le voir. Je passais également des heures à m’entraîner au basket en vue des matchs qu’ils m’accordaient de temps en temps.

Avec le recul, j’ai le sentiment d’avoir voulu gommer mes côtés « fille » pour être vue comme une semblable par mes frères. Bien souvent, l’aîné était dans son monde, mes deux autres frères jouaient ensemble et moi j’attendais, seule dans ma chambre, qu’ils me proposent de jouer avec eux. Cela arrivait, mais rarement. Ou alors c’était des jeux où ils étaient les deux « contre » moi.

De mon enfance et de ma relation avec mes frères, j’ai parfois la forte impression que je voulais masquer le fait que j’étais une fille. J’avais le sentiment qu’ils me rejetaient parce que j’étais une fille, leur petite sœur, et qu’ils me reprochaient d’être là alors que leur autre sœur s’en était allée.

Ce sentiment de ne jamais être acceptée pour ce que j’étais m’a collé à la peau de nombreuses années et à ce jour encore. Comme si je n’étais jamais ce qu’il fallait être. Comme si j’avais pris la place d’une autre. Comme si je devais être autre que ce j’étais.

Du rejet, de l’injustice, qu’est-ce que j’ai pu en ressentir au sein de ma fratrie ! Au point de ne plus savoir pourquoi je faisais les choses : pour être acceptée et vue, ou parce que cela faisait partie de moi et de mes envies ?

J’ai toujours navigué entre cacher ce que j’étais et vouloir être acceptée pour qui j’étais. Comme tout le monde, en fait. L’ambivalence de l’être humain.

J’ai toujours voulu faire ou donner ce que je croyais que l’on attendait de moi pour exister. Faire oublier que j’étais une fille. Faire oublier que j’étais la seule sœur alors qu’il devait y en avoir deux. Avec cette profonde certitude que j’étais un imposteur. Que je devais être la fille et la sœur de la famille pour deux, tout en devant gommer ces particularités qui me mettaient à l’écart de mes frères.

De ma sœur, nous n’en avons jamais fait mention ni parlé avec mes frères. Jamais. C’est une absente qui habite nos relations de par l’absence d’en parler.

Je ne sais pas ce que mes frères ont ressenti quand Sandrine est partie. Je ne sais pas comment ils ont accueilli ma venue dans la famille. Avaient-ils eux aussi ce sentiment que je venais prendre la place d’une autre ? M’en ont-ils voulu d’être là ?

Mes frères n’ont pas été gentils avec moi quand j’étais petite. Ils me mettaient de côté, ils me rejetaient même à certains égards. Je ressens encore aujourd’hui vivement ce sentiment de rejet, d’injustice et d’impuissance. C’est un vieil ami qui vient souvent me rendre visite. Ce sentiment que, j’avais beau tout faire, on ne voulait pas de moi. Je n’étais pas ce qu’il fallait. Je n’étais pas qui il fallait. Quoique je fasse, je ne serai jamais assez bien pour être accueillie et acceptée. Je me suis perdue dans cet instinct de survie à donner ce que je croyais qu’il fallait que je donne pour que l’on me regarde et me porte un minimum d’attention. Cela résonne encore en moi aujourd’hui, de manière si puissante, que j’y succombe, encore et encore. Me mettre de côté pour obtenir un semblant de reconnaissance et de légitimité. Masquer et vouloir effacer mes particularités pour ne pas gêner, pour ne pas déranger.

Vouloir être vue et reconnue mais sans savoir moi-même ce que j’avais à montrer aux yeux du monde. Et de mes frères.

Depuis plusieurs années déjà nos rapports se sont apaisés. J’ai ma place au sein de cette fratrie. La différence d’âge avec l’ainé s’est lissée et estompée au fur et à mesure des années pour laisser place à une relation frère-soeur.

Le duo de mes autres frères a commencé à me faire de la place, à faire de la place à la femme que chaque jour j’apprends à être.

Et surtout, je crois pouvoir dire que j’ai ma place de sœur, sans ce sentiment de culpabilité et de non légitimité qui m’a accompagné toute mon enfance et mon adolescence.

Les années et le temps qui passent ont cela pour eux : ils nous permettent d’avoir l’opportunité de changer les relations et les rapports avec nos proches, en même temps que nous changeons de regard sur nous-même et que nous gagnons à trouver notre place.

Agnès Écrit par :

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