Approchant la quarantaine et voulant croire que toute la vie lui appartenait encore, cette femme blonde avançait sur son chemin, oscillant entre sa part d’enfant et sa part d’adulte. Elle pouvait passer du rire aux doutes, en une fraction de seconde, déstabilisée par un mot ou une attitude venu(e) la toucher.
Comme tout un chacun elle avait eu son lot de chagrins, de désillusions, d’erreurs commises et de pardons demandés. Trébuchant, tombant, elle gardait cette volonté d’apprendre d’elle-même, de ses choix, et surtout, elle souhaitait se connaître quand la fin du chemin se présenterait.
Aujourd’hui allait débuter le premier jour du reste de sa vie.
Elle ne voulait plus vivre dans son ombre. Cette ombre qui lui collait à la peau. Celle où elle allait se réfugier, de peur d’exister, de peur de déranger, de peur d’être vue. Celle qui justifiait qu’elle se mette d’elle-même à l’écart des autres, de la vie.
Avant sa venue au monde, dans le ventre de sa maman, cette petite fille a été abîmée. Un séisme émotionnel est venu la frapper, elle et sa maman. Un choc. Un drame. Dans le sillon desquels elle allait débuter son incarnation terrestre.
La mort, le deuil, et la perte sont venus frapper sa famille. Et cette petite fille est née trois mois après. Dans le souvenir et la douleur de celle qui venait de partir. Habillée du sentiment de jamais être à la hauteur et de devoir trouver sa place bien à elle, au milieu d’une fratrie de trois garçons et d’une maison tiraillée entre le chagrin et la joie accompagnant son arrivée.
Ses débuts ont été teintés par les émotions vécues par sa maman, et d’elle-même elle s’est mise en retrait dans le ventre de cette dernière. Pour ne pas prendre trop de place. Pour ne pas déranger sa maman. Pour la laisser vivre son deuil.
Ces émotions venues la percuter, dans un milieu qu’elle croyait sécurisé, sûr, se sont inscrites en elle. Ont façonné la personne qu’elle allait devenir, se mêlant aux siennes, effaçant la frontière entre ses émotions à elle et celle de sa maman.
Pas facile de trouver sa légitimité. D’être celle qui arrive après celle qui vient de partir. D’être deux en une. D’être la petite dernière. La seule fille. Celle qui reste.
Voulant être accueillie et reconnue par ses frères, elle a développé un côté garçon. Pour être acceptée. Pour gommer sa place particulière.
En grandissant, cette fille a toujours été partagée entre l’envie d’être vue, elle, et celle de ne pas l’être. L’envie d’être toujours rassurée, de savoir qu’on l’aimait et celle d’être indépendante, forte.
Pleine d’antagonismes et de contradictions, cette jeune femme avançait sans trop savoir où elle voulait aller.
Jusqu’au jour où elle a eu envie d’être elle-même, combinant sa sensibilité à sa force. L’envie de renouer avec la petite fille qui a débarqué dans un drôle de monde mais qui affichait toujours un sourire. Comme pour venir consoler sa maman et son papa. Leur redonner à eux aussi l’envie de sourire.
A l’approche de la quarantaine, cette femme a (enfin) envie de s’aimer pleinement et d’assumer qui elle est. De sortir de l’ombre dans laquelle sa vie a débuté, et aussi de son ombre. Et de continuer à sourire, quoiqu’il advienne. Car son sourire, c’est sa plus grande force.
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